Je commence cette note à la suite des premières lignes de ma note d’intention aux éditeurs, qui je le sens, va me prendre plus de temps à la rédaction que les 180 000 mots du roman qu’elle est censée présenter. Il n’y a pas de mot pour décrire à quel point je n’aime pas l’exercice… En vérité il y en a sans doute un ou deux mais si je les trouvais ça rendrait ma phobie de la chose plus concrète, moins mystique, et du coup ça m’obligerait à m’y remettre.
Du coup j’ai préféré ouvrir le tableau déjà bor-dé-lique rassemblant mes notes éparses sur mon nouveau projet. Quand il m’est apparut évident que le narrateur porterait le nom d’une personne pour qui je nourris affection et admiration (et pas juste parce qu’elle est censée être ma jumelle ; ) je suis allée lui dire. Une demi-heure plus tard, notre conversation est tombée de charybde en scylla vers la folie nécessaire, la folie douce (ou pas) qui met de la couleur dans le quotidien. Rapport au fait que folle est un adjectif qui revient un peu trop souvent à mon goût dans la bouche des gens tentant de me décrire.
Donc nous voilà à essayer de nous remémorer les choses les plus folles qu’on ait pu faire. Pour sa part elle s’est mariée, et c’est vrai que quand on connaît mes plans pour la chose, ça parait assez dingue (moins quand on connaît sa moitié, mais je vais rien dire ; ) moi, je raconte comment j’ai tourné le dos à mon vertige et abandonné mon sac au sol pour avancer sur une corniche large comme mon envie de me marier et arriver tout au bord d’une falaise Irlandaise… Ville que ma jumelle avait visité suite à sa folie personnelle (son mariage, vous suivez ?) et où elle avait elle-même promené ses ballerines le long des falaises, convaincue par le fourbe de mari. Hey, mais moi aussi, on avait dû sacrément me convaincre pour que je finisse par y aller… Soyons clairs, sans ma meilleure amie qui gambadait tranquillement au dessus du vide, je n’aurais jamais… Mince ! Je n’aurais sans doute même pas pris l’avion pour aller en Irlande en premier lieu. Du coup est-ce que ça compte ?
Me reviens alors un truc plus fou encore sans doute, quelque chose qui remonte à plus loin, à mes seize ans, à mes années lycées qui (à l’inverse du reste de l’univers), furent parmi mes meilleures. Dix ans plus tard, je me demande, serais-je capable de refaire ce que j’ai osé cette année là ?
De manière générale, il m’arrive de réaliser que mon rapport à la vie a parfois changé à mon insu, mais je n’arrive pas toujours à déterminer dans quel sens. Ce que je sais, c’est où, quand, pourquoi. C’est facile : c’est quand je suis tombée malade. Non, même pas. C’est après. Quand j’ai été « guérie », que l’horizon s’est rouvert. Un temps je pense que je m’en suis sentie… immortelle. Ou plutôt invulnérable : capable de tout faire. Merde, ça semblait logique non ?
Aujourd’hui je me sens plutôt effrayée. Prudente. Me disant que j’ai eu ma dose de chance et qu’il faudrait commencer à faire gaffe, histoire de ne pas gâcher ce temps en m’achevant prématurément. La bonne nouvelle, c’est que parce que je suis folle, demain, cette tendance se sera sans doute inversée. Au fond je pense que les deux versions co-existent, une Jade qui veut tout voir et tout faire et une autre qui se dit que si elle veut écrire tous les bouquins qu’elle a en tête, il s’agirait de bien regarder avant de traverser.
Tout ça pour dire que dans ces moments là, je me sens, avant toute chose, vraiment chanceuse.
D’avoir une meilleure amie qui me fait aller tout au bord des falaises.